JAPON: LE SOLEIL ROUGE

JAPON: LE SOLEIL ROUGE

Le temple TÔSHÔ-GU

 

     Préparez-vous à un voyage dans le cœur spirituel du Japon car nous allons visiter un lieu chargé d'histoire, là où repose l'un des personnages les plus emblématiques de l'archipel : Tokugawa Ieyasu, le premier shogun de la dynastie qui régna sur le Japon pendant plus de deux siècles.

 

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     Les Japonais ont un proverbe pour décrire la beauté de cet endroit : "Ne dites jamais 'kekko' (merveilleux) tant que vous n'avez pas vu Nikko". Ces mots résument à eux seuls la splendeur de ce site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. 

     Grâce au travail acharné de générations d'artisans et de paysagistes, ces temples et sanctuaires se fondent harmonieusement dans la nature environnante, une forêt de cèdres millénaires. Cette parfaite intégration de l'architecture religieuse dans un écrin de verdure sublime encore la beauté de chaque édifice. 

     Bienvenue dans l'univers de Tokugawa Ieyasu. Laissez-vous envoûter par cette atmosphère unique, où l'histoire, la spiritualité et la nature se rencontrent.

 

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     En effet, c'est parce que le shogun Ieyasu Tokugawa, unificateur du Japon, avait choisi de reposer éternellement à cet endroit qu'il s'est paré d'une telle splendeur. Le temple Tōshō-gū devait être, et est toujours, le plus somptueux du Japon. 

     Revenons aux origines du site... 

     À la fin du VIIIe siècle, le moine bouddhiste Shōdō Shōnin, après avoir traversé la rivière sacrée Daiya, commença à édifier le temple Rinnō-ji sur les pentes du mont Nantai, vénéré depuis des temps immémoriaux. Ce temple devint rapidement un important centre religieux, attirant de nombreux moines séduits par la sacralité de la montagne et la beauté naturelle des lieux.

  

 

     Le village de Nikko s'est développé autour de ce temple. 

Au XVIIe siècle, Iemitsu Tokugawa, shogun et petit-fils d'Ieyasu, ordonna la construction somptueuse du sanctuaire Tōshō-gū pour honorer la mémoire de son illustre ancêtre. Ce mausolée, érigé au sommet d'une colline, fut confié aux meilleurs artisans du Japon, qui œuvrèrent pendant près de deux ans à sa réalisation. Les bâtiments, richement décorés, furent recouverts d'une quantité impressionnante de feuilles d'or, tandis qu'un vaste parc fut aménagé, planté de milliers de cèdres. Aujourd'hui encore, près de 13 000 de ces arbres majestueux témoignent de cette entreprise grandiose.

      Iemitsu fut quant à lui inhumé dans le sanctuaire Futarasan, qui compléta par la suite l'ensemble monumental de Tōshō-gū.

       Grâce au développement des transports, notamment l'arrivée du chemin de fer, Nikko connut un essor rapide et abrite aujourd'hui plus de 90 000 habitants.

      À l'entrée de la partie supérieure de Nikko, les statues d'Ieyasu Tokugawa et du moine Shōsōin marquent symboliquement le passage vers les sanctuaires, invitant les visiteurs à un voyage à travers l'histoire et la spiritualité du Japon.

 


 

     Après avoir franchi "Ishidorii" le Torii de granite, on peut voir sur la gauche "Gojunoto" une superbe pagode à 5 étages ...

 

 

      Vous ne pouvez manquer l'exceptionnelle richesse de cette décoration. Les représentations animales, aux accents presque cartoon, confèrent à l'ensemble un charme unique.

     Chaque étage est dédié à un élément : terre, eau, feu, vent et éther, une symbolique qui invite à une véritable méditation cosmique.

Une restauration s'imposerait certes, mais le coût élevé des visites (quelques centaines de yens) ne laisse guère entrevoir de collecte de fonds à court terme.

     Avez-vous remarqué la particularité de la construction de cette pagode ? Contrairement à la plupart des pagodes qui s'élèvent autour d'un axe central, souvent un tronc d'arbre, celle-ci repose sur un système ingénieux. La poutre médiane, suspendue par des chaînes au quatrième étage, ne touche pas le sol.      Cette conception lui confère une stabilité remarquable, lui permettant de résister aux séismes et aux typhons les plus violents.

     Nous arrivons maintenant à la porte Nimon, gardée par deux guerriers aux allures terrifiantes et... un gardien un peu moins impressionnant 

 

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      Nous allons maintenant explorer la zone entre les portes Nio-mon (3) et Yomei-mon (12)

 

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     Nous débouchons sur une vaste esplanade. Cette partie du temple était entièrement dédiée aux tâches administratives et logistiques. On y trouve notamment :

  • Trois zones de stockage de costumes, appelées "Sanjinko", 5, 6 et 7. 
  • Une fontaine sacrée, "Omizuya", son eau était utilisée pour les rites purificateurs.
  • Les écuries sacrées, "Shinkyu", abritant les montures utilisées lors des cérémonies. Les sculptures de singes ornant les murs de bois de ces écuries sont particulièrement remarquables.
  • Une bibliothèque, "Kyozo", renfermant de précieux manuscrits et textes religieux.

     Les trois singes de la sagesse, une célèbre représentation iconographique japonaise, sont particulièrement mis en valeur. Cette sculpture, attribuée au célèbre sculpteur Hidari Jingoro, incarne un principe fondamental de la philosophie bouddhiste :

  • Je ne vois pas le mal (Mizaru)
  • Je n'entends pas le mal (Kikazaru)
  • Je ne dis pas le mal (Iwazaru)

     On raconte que Jingoro, ayant perdu l'usage de sa main droite, aurait développé une technique unique pour sculpter de sa main gauche. C'est ainsi qu'il aurait acquis le surnom de "Hidari", signifiant "gauche" en japonais. Nous reviendrons plus tard sur une autre de ses œuvres célèbres, "Nemuri neko" (le chat endormi).

 

 

      En face de ces écuries se trouvent les entrepôts,  en trois bâtiments.

 


  

     Les éléphants sculptés ornant le troisième bâtiment, "Kami Jinko", recèlent une histoire fascinante.

     Imaginés par Kano Tanyu, cet artiste les a façonnés d'après des descriptions qu'il avait lues, n'ayant jamais observé de tels animaux de ses propres yeux. Les spécialistes de la faune africaine ne manqueront pas de relever quelques inexactitudes anatomiques, témoignage de cette création artistique fondée sur l'imaginaire.

     En poursuivant notre chemin, nous découvrons une fontaine, "Omizuya", puis un torii marquant l'entrée de la porte "Yomei-mon". Sur la gauche, la bibliothèque "Kyozo" nous invite à la contemplation.

 

 

     Au sommet des marches, une esplanade s'ouvre sur deux ensembles architecturaux symétriques : à droite, la tour des tambours "Taiyuin byo" est précédée d'une cloche, tandis qu'à gauche, un autre édifice du même nom est éclairé par une lanterne.

 

 

     Le Yakushi-dō, sur la gauche, abrite un plafond peint d'un dragon saisissant. L'atmosphère est renforcée par les mélodies envoûtantes des cloches frappées par un moine, un spectacle sonore malheureusement confidentiel.

     La porte Yōmeimon est un chef-d'œuvre architectural, parée de décors somptueux qui en font l'une des plus belles portes du Japon, voire du monde. 

 

 

     Egalement appelée "Higurashino-mon", expression signifiant "la porte que l'on passe sa journée à contempler", cette merveille architecturale a été élevée au rang de Trésor National. Son nom évoque l'une des douze portes de la Cour Impériale de Kyoto, un vestige d'une époque où le temps semblait suspendu.

     Dominant le Sanctuaire Toshogu, Yomeimon est une œuvre d'art totale, un hymne à la beauté et à la spiritualité. Ses onze mètres de hauteur, ses sept mètres de large et ses quatre mètres de profondeur en font une porte monumentale, une véritable passerelle vers un autre monde. Douze colonnes immaculées la soutiennent, leurs surfaces lisses offrant un contraste saisissant avec la profusion de sculptures qui ornent l'édifice.

     Cinq cent huit créatures mythiques semblent s'être échappées des rêves les plus fous des artistes pour venir peupler cette porte. Dragons aux écailles scintillantes, licornes aux cornes immaculées et chimères aux formes étranges se mêlent dans un ballet envoûtant. Chaque sculpture est une énigme, une invitation à la contemplation.

     Les artisans d'autrefois, dans leur quête de la perfection, ont pourtant choisi de commettre une imperfection volontaire. Les sculptures d'une colonne ont été inversées, un rappel que même les plus belles œuvres humaines portent en elles les traces de leur finitude. Cette subtile imperfection ajoute une touche de mystère et d'humanité à cette porte qui semble toucher au divin.

 

  

     Sur le plafond du passage, Tanyu Kano a peint une dualité cosmique. Deux dragons, nés de la même inspiration que les Trois Singes de la Sagesse, s'affrontent en silence.

     L'un, le "Happouniramino-ryu", est un être de ciel, ses yeux perçant les nuages à la recherche d'une vérité insaisissable. 

     L'autre, le "Shihouniramino-ryu", plus attaché à la terre, scrute les horizons terrestres, incarnant la sagesse pragmatique. Leurs corps entrelacés forment un mandala céleste, un symbole de l'équilibre entre les forces opposées.

 

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     Je vous invite maintenant à regarder le diaporama des photos que j'ai prises de cette porte:

 

 

 

     Au-delà de la porte Yômeimon, s'ouvre un espace sacré où se déploie un ensemble architectural majestueux. Sur la gauche, le Mikoshi-gura abrite les palanquins sacrés, parmi lesquels celui de Leyatsu Kokugawa, autrefois porté par cinquante-cinq hommes. Trop lourd pour être manié, il fut allégé de trois cents kilogrammes en 1635.

     Sous le plafond, des anges célestes virevoltent dans une danse éternelle, offrant un spectacle divin d'une beauté inégalée au Japon.

 

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     Sur la droite, un pavillon dédié aux danses sacrées."Kagura-den".

     Une scène est édifiée sur le devant du bâtiment. Huit jeunes filles y donnent des représentations de danses sacrées durant les festivals.

     Le bâtiment lui-même sert de vestiaire et d'entrepôt de costumes. 

 


 

     La curiosité, insatiable guide, attire immanquablement le regard vers un chef-d'œuvre de ferronnerie d'art : un grand candélabre, majestueuse sentinelle postée non loin de la porte.

 

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     Ce candélabre, témoin d'une époque révolue, recèle en lui les échos d'une rencontre entre deux mondes. Offert au Shogun Tokugawa par les émissaires de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, il fut le fruit des négociations menées par François Caron, un Français dont la maîtrise du japonais ouvrit une brèche, si minime soit-elle, dans l'isolement du Japon. Ce cadeau, bien que somptueux, ne suffira pas à enrayer le repli sur soi du pays du Soleil Levant. Néanmoins, le candélabre suivra son destinataire jusqu'à sa dernière demeure, un ultime témoignage d'une époque où l'Orient et l'Occident se frôlaient.

     Face la porte Yomei-mon, ce gardien de l'enceinte sacrée nous invite à franchir un seuil plus modeste, mais tout aussi chargé d'histoire : la porte Kara-mon. Bien que moins imposante que sa voisine, elle est, elle aussi, classée au rang de Trésor National. Autrefois réservée aux seuls monarques et dignitaires de haut rang, elle ne s'ouvre aujourd'hui qu'aux personnalités les plus éminentes.

     Haute de trois mètres et large de deux, cette porte, parée d'un blanc immaculé, est un écrin à des sculptures délicates. Des dragons noirs, symboles de puissance et de sagesse, semblent veiller sur l'édifice. Au-dessus de l'entrée, une fresque animée nous transporte dans la Chine ancienne, où les Sept Sages du Bosquet de Bambou contemplent la nature avec sérénité. Sur le côté ouest, trois divinités de la chance nous sourient : Daikokuten, dieu de la prospérité et du commerce, Jurōjin, garant de la longévité, et Hotei, emblème de la joie de vivre.

Chaque élément de cette porte, chaque détail de sa décoration, nous raconte une histoire, un fragment d'un passé lointain où les croyances et les traditions se mêlaient pour former un tout harmonieux

 

 

     Franchissant ce seuil, on pénètre dans le sanctuaire, l'enceinte sacrée dénommée "HONSHA". Ce lieu se déploie en plusieurs espaces distincts.

En premier lieu, s'offre à notre regard "HAIDEN", une somptueuse salle de culte dont les murs et la voûte se parent de dragons aux écailles scintillantes. Sur l'une des portes, le maître Tanyu Kano a immortalisé le "kirin", créature mythique qui ne surgit que dans les contrées pacifiques, et le "Hakutaku", esprit tutélaire réservé aux souverains vertueux. Ces représentations évoquent un univers onirique où le réel et le fantastique se mêlent

 

 

 

     Ensuite, "ISHOMOMA", la salle de pierre est un grand corridor permettent de joindre les appartements du Shogun.

 

 

     Enfin, les personnalités autorisées (pas moi..) peuvent accéder à la partie sacrée de l'édifice: "HONDEN". Là se trouvent trois pièces.  "GEIJIN", chambre extérieure, "NAIJIN": chambre intérieure, "NAINAIJIN"chambre intérieure de Naijin... lieu où doit se trouver l'esprit divin de Tokugawa... 


 

     Bien sur, pas de photos autorisées dans ces lieux sacrés!...

 

 

       

     Émergeant de l'étreinte de ce lieu sacré, un sentier discret nous invite vers le mausolée de Tokugawa. Deux portes successives, telles des voiles se levant sur un mystère, nous conduisent aux deux cent sept marches de pierre qui mènent à la sépulture du shogun. La première, un écrin précieux, renferme un joyau inestimable : Nemurineko, le « chat endormi ».

     Cette œuvre, fruit d'une quête artistique sans pareille, incarne à elle seule la perfection exacerbée qui règne en ces lieux. Jingoru Hidari, l'artiste à l'origine des Trois Singes de la Sagesse, se serait retiré du monde pendant près d'un an, vivant en ermite parmi les félins. Il aurait ainsi cherché à s'imprégner de leur essence, à saisir l'éternité dans un instant, pour en offrir la représentation la plus parfaite. De cette retraite est né Nemurineko, un chef-d'œuvre où le réel et l'imaginaire se confondent.

 

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     Si l'on observe attentivement, un détail saisissant apparaît : un moineau perché sur le dos du félin. Selon la légende, si le chat venait à s'éveiller, il ferait un festin du petit oiseau. Sachant cela, le moineau demeure silencieux, comme suspendu dans un temps figé. Cette scène, empreinte de poésie et de symbolique, incarne la quête de paix et d'harmonie prônée par Tokugawa. Le chat et l'oiseau, deux êtres aux natures opposées, coexistent dans une fragile équilibre, reflétant ainsi l'aspiration de l'homme à trouver l'unité au sein de la diversité.

     Montons (péniblement) les 207 hautes marches menant à la dernière partie du sanctuaire.

     Chemin faisant, j'ai pu faire de belles photos des toits des édifices...

 

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     Dans les hauteurs de Tôshô-gu, là où la forêt millénaire offre un écrin de verdure à l'histoire, se dresse le tombeau de Leyatsu Tokugawa. Un petit temple, tel un écrin de jade perdu dans l'émeraude, abrite la sépulture de ce souverain. Sous les traits apaisés des sculptures animales qui l'entourent, on perçoit l'éternité qui s'est emparée des lieux. Ici, le temps s'est suspendu, laissant à la mémoire l'écho d'un destin hors du commun.

 


 

  La rose trémière, omniprésente sur les murs du temple, est plus qu'une simple plante. C'est la signature du shogun Tokugawa, une empreinte végétale qui marque de son sceau ce lieu vénéré. Tel un gardien silencieux, elle veille sur ce sanctuaire depuis des siècles.

 

 

     Ainsi s'achève notre pèlerinage à Tōshō-gū. Si cette promenade au cœur de l'histoire vous a enchanté autant qu'elle m'a fasciné n'hésitez pas à venir à votre tour découvrir les trésors cachés de ce temple.

 

 

 



11/09/2024
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