Quartier chaud à Osaka!
Le Japon, synonyme d'accueil, de propreté et d'ordre, est souvent vanté pour sa sécurité. Et à juste titre : il est rare de se sentir en danger, même lors de promenades tardives..
Enfin, presque partout.
Pour ceux qui visent de passer des vacances "standard" cette info est suffisante, il est inutile de poursuivre la lecture de cet article qui pourrait choquer certains de mes lecteurs habitués à mes "reportages" habituels.
Mais je ne suis pas uniquement un voyageur standard et je ne fixe aucune limite à mes visites. Lors de mes pérégrinations nocturnes, je suis sorti à peu près partout à Tokyo, entre Kabukicho, Roppongi ou d'autres endroits assez glauques pourraient laisser imaginer un environnement dangereux... Mais si on ne se laisse pas entraîner par des chimères, on n'est généralement pas trop importuné.
A Osaka, j'ai vécu des soirées animées dans les bars de la périphérie de Dotomburi, et dans Jan-jan Yokocho, j'ai même parfois enjambé des SDF avinés pour rentrer à mon hôtel de Tennôji.. mais sans avoir connu le moindre problème grave.
Donc il n'y aurait aucun endroit qui "craint" vraiment au Japon?
Je connaissais le quartier de "Tobita Shinchi" de réputation, mais je ne m'étais jusqu'alors jamais aventuré dans cet endroit peu fréquentable, jadis entouré de murs et percé de quatre portes, voici la seule qui subsiste encore aujourd'hui...
Avant de percer le mystère de cette porte, attardons-nous un instant sur les alentours. Nous nous trouvons dans la partie sud de Shinsekai, à la sortie de la célèbre ruelle Jan-Jan Yokocho. En passant sous la voie ferrée de la station Dobutsuen-mae, nous pénétrons dans une nouvelle galerie marchande qui semble s'étendre à l'infini."
Elle est effectivement très longue... les magasins sont plutôt accueillants et la décoration omniprésente.
La shotengai est coupée par une trouée qui devait être empruntée une voie ferrée, aujourd'hui disparue. La deuxième partie devient plus étroite.
Je débouche enfin de ce long tunnel bordé de petits magasins. Beaucoup étaient fermés en cette fin d'après-midi et seuls quelques bars attendaient d'hypothétiques clients. Le silence n'était troublé que par la musique assourdissante s'échappant des pachinkos à chaque franchissement de porte.
Le quartier semble tranquille. Des petites maisons de bois bordent les ruelles. Cela ne respire pas la richesse par ici, mais c'est propre. L'environnement n'a pas dû changer beaucoup depuis des dizaines d'années.
J'aurais pu m'arrêter là, rebrousser chemin vers Shinsekai et conclure que cette allée menait à un quartier ancien, modeste et paisible. Mais une autre venelle m'attirait de l'autre côté de la rue, juste en face du pachinko qui vomissait ses nuisances sonores à chaque sortie de client.
Et c'est là que se situe notre porte... close.
Tobita Shinchi est l'un des derniers quartiers à vocation sexuelle du Japon, un vestige d'une époque où la prostitution était moins réglementée. Souvent qualifié de "plus grand bordel d'Osaka", ce lieu intrigue par sa persistance dans un pays où la prostitution est théoriquement illégale depuis plus d'un demi-siècle.
Ce paradoxe s'explique en partie par l'histoire du quartier, l'un des plus anciens d'Osaka. L'activité sexuelle s'y est implantée au début du XXe siècle, attirée par la proximité de quartiers défavorisés comme Kamagasaki, où se concentrent travailleurs précaires, chômeurs et sans-abri. Cette proximité a créé un marché captif, alimentant une économie souterraine florissante.
Les yakuzas, organisations criminelles japonaises, ont depuis longtemps étendu leur influence sur Tobita Shinchi, exploitant les failles de la législation. En effet, si la prostitution est illégale, la restauration est parfaitement légale. C'est ainsi que les établissements de Tobita Shinchi proposent des "services" supplémentaires, moyennant un supplément souvent déguisé sous forme de frais de service. Un système qui permet de contourner la loi tout en générant des revenus considérables.
La persistance de Tobita Shinchi est également liée à l'inertie des pouvoirs publics, peu enclins à s'attaquer à un problème complexe aux ramifications sociales et économiques importantes. Le quartier est devenu une institution, un élément du paysage urbain d'Osaka, malgré sa réputation sulfureuse.
J'ai sillonné les lieux de fond en comble en cette fin d'après-midi. L'interdiction de photographier était explicite, et on en comprenait aisément la raison. Pourtant, je n'ai pu m'empêcher d'immortaliser quelques instants, malgré les risques évidents..
On entre dans ce monde parallèle:
Près d'une centaine de ces établissements fonctionnent sur un même modèle : une femme d'un certain âge, souvent appelée "Mama san", accueille les clients à l'entrée. Elle négocie le prix pendant qu'une jeune femme, vêtue de façon suggestive et mise en valeur par des éclairages tamisés, attend sur une estrade."
Le marché conclu, le "couple" monte les escaliers ou se situe le lieu des réjouissances...
Plusieurs rues sont ainsi dédiées à ce "commerce" peu recommandable.
Pour ma part, il y a certainement plus de chances de me voir un jour faire un saut en parachute malgré ma phobie du vide que de me surprendre à monter les escaliers derrière une de ces pauvres filles...
Un des derniers vestiges de "Ukiyo", le "monde flottant" de l'époque de Edo.
Un projet de reconstruction de ce quartier existe... depuis des dizaines d'années. Personne ne peut dire si il sortira des cartons un jour.
Il y a quand même une curiosité architecturale dans ce quartier: Hyakuban. C'est une ancienne maison close qui est aujourd'hui devenue... un vrai restaurant. Elle a conservé toute ses décorations originales et peut se visiter, un peu comme un musée.
Superbe endroit dans un environnement inquiétant...
Pour être honnête, je n'ai rien subi de fâcheux pendant mon séjour dans ce quartier. Hormis les avances insistantes de quelques mamasan qui accueillent les étrangers.
J'ai rapidement compris que certains passants étaient des yakuzas, chargés de surveiller les allées et venues des clients. Avec du recul, je réalise que j'ai pris des risques inconsidérés en prenant certaines photos
Je suis reparti à la nuit tombée, laissant ce quartier à ses "occupations"...
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